Voyage nature en Mongolie – 2022 : récit par Karl Van Ginderdeuren
Ceci est un rapport de notre voyage Starling 2022 en Mongolie, à la recherche de la panthère des neiges et du chat de Pallas, en profitant en plus de la magie de la migration automnale des oiseaux… J’ai guidé un groupe de sept passionnés qui tous espéraient voir le fantôme des sommets et passer du temps dans les montagnes.
Notre voyage a commencé avec le départ des participants depuis leur contrées respectives : Bruxelles, Amsterdam et Marseille pour se retrouver dans la capitale mongole de Oulan-Bator après un long vol.
La géographie de la Mongolie est très variée, avec le désert de Gobi au sud et les régions montagneuses au nord et à l’ouest (l’altitude moyenne y est de 1580m). Le nord est principalement composé d’une vaste taïga et l’est est surtout connu pour les espèces de steppe. Il est donc totalement impossible de voir tout le pays, ou même une grande partie de celui-ci, en un seul voyage. Des choix difficiles doivent être faits. Durant notre séjour, l’objectif principal était la recherche des deux espèces de chats. Pour une bonne raison, nous avons décidé de partir en septembre, afin de profiter également de quelques migrations d’oiseaux. Août aurait encore beaucoup de moustiques alors qu’octobre est déjà 20°C plus froid. La majeure partie du pays est chaude en été et extrêmement froide en hiver. Les températures moyennes de janvier descendant jusqu’à -30°C. Voici pourquoi le mois de septembre nous semble optimal.
Nomades élevant des chèvres du Cachemire.
La Mongolie compte seulement 3 millions d’habitants, dont la moitié vit à Oulan-Bator, ce qui en fait le pays la plus clairsemé de la planète. C’est ce qui m’a toujours attiré là-bas. Encore environ un tiers de la population sont des éleveurs nomades et le bétail est donc très important pour eux. Malheureusement, il y a trop de bétail en Mongolie et le surpâturage a un effet significatif sur toute la végétation du pays. Les soviets avaient pour règle qu’un maximum de 20 millions d’animaux domestiques était autorisé dans le pays. De nos jours, environ 80 millions de têtes de bétail (chèvres, moutons, chevaux, chameaux) peuplent la Mongolie, entraînant un énorme effet de surpâturage sur la nature.
Combiné à quelques fortes sécheresses ces dernières années, les Mongols ont vu leur monde naturel changer et étaient impatients de nous le faire remarquer.
Grues à cou blanc se reposant près d’une immense mine d’or.
Pendant la majeure partie de son histoire, la Mongolie était fermée au monde et nous disposions de peu d’informations sur le pays ou son peuple… Ou sa nature d’ailleurs ! Pourtant, la Mongolie possède un large éventail d’oiseaux, de poissons et de mammifères, et est probablement encore plus connue pour la panthère des neiges, l’ours du Gobi, le chameau sauvage de Bactriane, le taki (cheval de Przewalski) ou le bouquetin de Sibérie.
Taki est considéré par beaucoup comme le seul cheval sauvage restant au monde.
Marmotte de Sibérie dans le parc d’Hustai.
Les impressionnants cerfs de Maral étaient en rut et c’était formidable d’entendre leurs parades lors de la visite de Hustai.
© Jean Louis Scheppers
Pour moi, un voyage animalier en Mongolie ne concerne pas seulement les espèces animales emblématiques, c’est aussi le cadre et, plus important encore, la lumière. Il y a tellement de poussière dans l’air qu’on a une ambiance très particulière pour prendre des photos…
Corbeau à l’aube
Au total, nous sommes partis pendant 17 jours. Le voyage s’est scindé en trois parties : Hustai NP (car proche d’Oulan-Bator), une semaine dans les steppes orientales et une semaine dans l’Altaï pour les panthères des neiges.
A la recherche du chat de Pallas dans les steppes orientales
Après un « court » trajet de douze heures sur des routes cahotiques, nous atteignons les zones à forte densité de chats de Pallas pour rencontrer notre bon ami Ogi, qui a passé une grande partie de sa vie à étudier ce félin.
La steppe
Notre camp de base a été spécialement mis en place pour la quête du chat Pallas :
Notre plan était de chercher le chat au crépuscule et à l’aube, et de passer le reste de la journée à observer les oiseaux, car septembre est le mois où de nombreux passereaux sibériens migrent. Et nous avons été gâtés en termes de migration…
Un point rouge dans le viseur. La calliope sibérienne reste une méga pour les ornithos du WP. Nous en avons vu des dizaines dans des habitats très différents de leurs lieux de reproduction.
Pouillot de Pallas
Gobemouche de la taiga
L’un des aspects les plus fous de la faune des steppes, c’est qu’il n’y a nulle part où se cacher. Ainsi, lorsqu’un hibou grand-duc a besoin de se reposer, il n’a d’autre choix que de dormir au sol, en faisant confiance à son camouflage.
Les hiboux n’étaient pas les seuls à se mettre à l’abri, c’est aussi ce que font les chats de Pallas. Au total nous avons vu pas moins de 14 chats différents.
Participant Starling photographiant un chat de Pallas qui avait entièrement confiance en son camouflage.
Un animal tellement cool, et aussi peu farouche que j’en ai de meilleures photos que du chat sauvage européen, pour lequel j’ai pourtant passé de nombreuses semaines sur le terrain.
Les chats vont d’abord se coucher au sol et faire confiance à leur camouflage, mais si vous ne bougez pas, ils se relèveront après un certain temps et commenceront à s’éclipser. Ils le font au ralenti, prenant parfois 15 minutes pour parcourir 15 mètres !
Ces Yeux….
© Jean Louis Scheppers
Le moment était venu pour nous de quitter la steppe et de voyager vers l’ouest, à la recherche de cet autre rare félin…
Montagnes de l’Altaï
Nous avons établi un camp de base au bord des montagne pour pouvoir monter en altitude les jours où nous cherchions les panthères, mais aussi passer du temps dans les vallées les autres jours. Ce camp de base est également devenu le meilleur endroit pour voir le tristement célèbre Podoce de Henderson.
Une troisième espèce cible de mammifère pour ce voyage est l’antilope saïga, ultra rare, qui habite les plaines désertiques entre les chaînes de montagnes. La saïga est notoirement timide et classée en danger critique d’extinction par l’UICN. Aujourd’hui, leur nombre total est estimé à seulement 50 000 individus en Kalmoukie, dans trois régions du Kazakhstan et dans deux régions isolées de Mongolie (seulement quelques milliers d’antilopes au total).
Les vallées entre les chaînes de montagnes sont presque désertiques, attirant des espèces liées à ces conditions, comme le syrrhapte paradoxal.
Les chameaux domestiques peuplent également ces vallées :
© Jean Louis Scheppers
Septembre coïncide avec l’arrivée de centaines de bruants lapons venus du nord et qui passent l’hiver en Mongolie.
Mais le véritable objectif de cette deuxième partie du voyage était bien sûr la recherche de la panthères des neiges. Il existe deux endroits dans le monde où vous pouvez avoir de grandes chances de rencontrer ce mythique félin à l’état sauvage : le Ladakh (Himalaya indien) et la Mongolie. Au Ladakh, vous observez depuis des altitudes plus élevées et il fait beaucoup plus froid, donc de ce point de vue, la Mongolie est nettement plus confortable. Toutefois, il arrive aussi qu’elle soit observée dans d’autres pays (Chine, Pakistan, etc.), généralement lorsqu’une femelle enceinte est repérée. Ensuite, vous êtes sûrs que pendant quelques mois, vous pourrez la retrouver, ainsi que les petits, autour de la tanière.
A la nuit tombée, les bouquetins descendent dans les vallées pour boire. En quête de nourriture, les panthères des neiges vont donc parfois les suivre dans les vallées pour tenter de les chasser. Le matin, vous pourrez alors essayer d’apercevoir un chat qui remonte les pentes raides.
Il faut beaucoup d’entrainement pour pouvoir trouver une panthère des neiges. Je les ai observées plusieurs fois maintenant, et je pense que si elle ne bouge pas, vous ne la trouverez tout simplement pas. Nous engageons des guides locaux qui passent la semaine précédant notre arrivée à scanner les chaînes de montagnes, pour essayer de déterminer précisément où se trouvent les panthères.
Dans la vallée photographiée ci-dessous vivent 3 ou 4 panthères des neiges (7-8 animaux pour la vallée sur toute sa longueur). Les montagnes les plus éloignées sont à environ 3 km. Vous pouvez peut-être voir 20 à 30% de leur surface. Donc, évidemment, cela signifie que la tâche est loin d’être facile. Combinez cela avec le fait que si une panthère des neiges vient de tuer une proie, elle ne bougera pas pendant des jours et se contentera de rester à proximité de son butin. Vous pouvez donc commencer à imaginer à quel point il est difficile de les trouver. C’est pourquoi nous avons plusieurs observateurs et sept jours complets de recherche, afin d’essayer de maximiser nos chances.
Chercher chercher chercher.
On commence toujours par repérer des proies de panthères des neiges, comme ce gros bouquetin de Sibérie.
Il faut aussi toujours garder un oeil ouvert pour les surprises dans le ciel.
Et puis vint le moment. Un cri d’excitation super fort a résonné à travers les montagnes et cela ne pouvait signifier qu’une chose… Mais l’observateur était beaucoup plus haut sur les pentes et nous ne regardions pas où il regardait. Un stress immense s’est installé alors que le gros chat pouvait partir hors de vue à chaque seconde. Grâce au talkie-walkie, nous avons appris que ce n’était pas un, mais en fait trois panthères qui avaient été repérées. Le berger le plus expérimenté de notre équipe nous a immédiatement indiqué que puisque le soleil était levé, elles resteraient à l’ombre. Alors nous nous sommes concentrés sur les parties ombragées. Il m’a fallu environ vingt minutes – paraissant comme vingt heures – jusqu’à ce que je les retrouve enfin. Et tout d’un coup, nous étions en train d’observer une femelle de panthère des neiges avec ses deux petits.
On pourrait les contempler pendant toute la journée !! J’ai décidé de prendre cette image au crépuscule, quand l’air était le plus clair.
Notre guide spécialiste des mammifères, Ogi, a pris de nombreuses images rapprochées de ces panthères des neiges, en marchant vers eux, une fois trouvées. Certains chats ne sont pas farouches et vous laisseront atteindre 30 à 40m. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire dans cet environnement et pas possible avec un groupe de dix personnes.
Nos participants étaient super contents et en plus, nous maintenons notre taux de réussite à 100% dans la recherche de la panthère des neiges. Combiné avec les images folles du chat de Pallas et une bonne migration des oiseaux, nous pouvons dire sans nous tromper que le voyage a été un vrai succès.